Livraison de Janvier 2023

Les notes ci-dessous sont un résumé de ce qui a été dit sur chaque titre, et non une retranscription complète des propos échangés.

  • Perfect girl evolution, Tomoko Hayakawa : Manga, 36 tomes. La personne présentant ce manga n’a pas lu tous les tomes et ne sait pas si elle le recommande. C’est un shojo avec un côté très girly, beaucoup de clichés sexistes, de genre, etc. Une femme, définie comme une freak (elle vit dans le noir, ne prend pas soin d’elle suite à un traumatisme lié à une rupture amoureuse) va vivre en colloc’ avec quatre hommes magnifiques dans un palace appartenant à la famille de la fille. S’ils réussissent à transformer cette fille en “vraie femme”, leur loyer sera gratuit. Il y a un élément sympa dans cette histoire, c’est que les quatre garçons sont tellement magnifiques que personne n’arrive à les regarder/leur parler, la seule personne avec qui ils peuvent interagir et nouer une relation, c’est l’héroïne. Les scènes de bagarre sont cool (la fille est super forte pour se battre).

  • My absolute darling, Gabriel Tallent : Roman. Une jeune fille vit seule avec son père, dans le Midwest. Il l’élève un peu façon survivaliste. Il y a des discours du père face à l’école qui sont assez pertinents, mais il y a aussi un rapport toxique entre fille et père. C’est la jeune fille qui raconte, et l’histoire est celle de comment elle s’en sort avec ça. C’est un petit bijou.

  • Ma distinction, Wally : Spectacle vu à Toulouse. Réalisé par Wally, humoristique qui fait habituellement du one-man show. Ici, c’est un spectacle pour raconter pourquoi il n’a jamais réussi à lire La distinction de Bourdieu. Il parle de sa vie, de son enfance dans une ville minière de l’Aveyron avec la “basse ville” où vivent les ouvriers et la “haute ville” où vivent les cadres. Il raconte son parcours de musicien et comment il a finalement été transfuge de classes. A beaucoup aimé ce spectacle. Lui a donné envie de relire La distinction.

    • Si vous n’avez pas envie de lire cet ouvrage de Bourdieu, vous pouvez aussi regarder le film Le goût des autres d’Agnès Jaoui, qui résume très bien la pensée de Bourdieu en 1h30.

  • À bout de flux, Fanny Lopez : Réflexion sur les infrastructures électriques et numériques, qui sont liées. La façon dont est organisée l’électricité (production, transmission, distribution) est spécifique. Il y a aussi une partie sur le numérique et sur l’évolution des centres téléphoniques. L’autrice veut questionner pourquoi les trucs comme l’auto-consommation (mettre des panneaux solaires sur le toit de son habitation, etc.) ne se développe pas beaucoup. Pour elle, le problème vient du fait que le réseau est centralisé, elle propose donc de penser un réseau en-dehors de la centralisation (mais en restant sur un niveau global). Elle aborde aussi la question des risques de coupures et le fait que plutôt que couper des quartiers de villes, on pourrait choisir de couper des infrastructures type data center, sauf que rien n’a été prévu pour permettre de couper ces infrastructures brutalement.

  • Une soupe aux herbes sauvages, Émilie Carles : Autobiographie. Institutrice dans les Hautes-Alpes, Émilie Carles raconte sa vie , comment on vit dans la montagne au 20è siècle. Elle parle beaucoup de la seconde guerre mondiale. Elle raconte aussi son parcours militant : elle a commencé par s’intéresser aux idées antimilitaristes et anarchistes, qu’elle va essayer de transmettre aux paysans. Elle va voir les syndicalistes, rencontrer les Canuts. Elle va lutter pour avoir une place en tant que femme, elle va lutter contre l’industrialisation de sa vallée et la création d’une autoroute, sous une forme ressemblant à de la désobéissance civile. L’autoroute ne sera pas construite, et c’est un passage marquant dans le livre, ça montre comment un réseau de personnes construit par elle réussit à empêcher un projet de cette envergure, alors qu’au début, elle était isolée politiquement dans sa vallée. Elle raconte comment, petit à petit, elle réussit à “ouvrir les consciences”, à rallier des gens à ses opinions. Elle lutte aussi pour l’éducation des enfants, qui sont envoyés aux champs au lieu d’aller à l’école.

  • Carbone et Silicium, Mathieu Bablet : Bande dessinée, SF. On suit deux IA, Carbone et Silicium. Intéressant, on assiste à leur évolution, aux questions qui se posent concernant leur conception (par exemple, leur durée de vie), on les voit changer de corps, c’est une histoire qui s’étale sur plusieurs siècles (avec des ellipses), donc on voit l’évolution de l’humanité et du monde (c’est assez sombre) et puis on suit le parcours des deux IA et leur très belle relation, qui n’est pas vraiment définie (couple, amitié…). Très beaux dessins, en particulier les planches du changement de corps.

    • Aucune femme au monde de Catherine Lucille Moore et Le temps d’un souffle, je m’attarde de Roger Zelazny sont deux romans édités par Le passager clandestin, qui parlent de l’IA, qui sont très bien et qui se lisent en miroir.

  • Quand tu écouteras cette chanson, Lola Lafon : En cours de lecture. Livre autour du Journal d’Anne Frank, très documenté. L’écriture de Lola Lafon est plus précise/concise que dans ses autres romans. Elle raconte l’histoire d’Anne Frank, après avoir passé une nuit dans l’Annexe, au musée Anne Frank. Elle parle aussi des problèmes avec la publication du journal à l’époque, car il a été édulcoré, certains passages non-publiés (relatifs à sa judéité et à sa sexualité), et les œuvres l’ayant adapté ont aussi été édulcorés. Lecture recommandée, c’est la vie d’Anne Frank avec l’œil de Lola Lafon, c’est très intéressant et il y a aussi des réflexions sur l’autrice. L’écriture est très agréable.

    • Où est Anne Frank !, Ari Folman : Film d’animation jeunesse (10 ans et +) qui “adapte” le journal d’Anne Frank en le faisant résonner avec des questionnements actuels. Kitty, l’amie imaginaire d’Anne Frank, à laquelle cette dernière s’adressait dans son journal, prend vie dans le monde réel, au musée Anne Frank, à notre époque. Elle ne sait pas que des dizaines d’années sont passées depuis, que la guerre est terminée. Elle se met en quête d’Anne. À travers sa quête, le film nous raconte la vie d’Anne Frank, tout en questionnant notre façon de faire acte de mémoire et l’opposition entre les valeurs proclamées dans les discours (fraternité, etc.) et la réalité sur le terrain, avec l’accueil des réfugiés.

  • Un psaume pour les recyclés sauvages, Becky Chambers : Roman, SF, utopie. L’histoire se déroule sur une autre planète. Les humains, après avoir industrialisé la planète, se rendent compte que ce n’était pas une bonne idée. Ils décident de libérer les IA et de ne pas occuper plus la planète que là où des villes sont déjà construites (ce qui correspond à une petite partie de la planète). Dex devient moine de thé : il voyage de village en village pour discuter avec les gens et que ces derniers aient une échappatoire émotionnelle. Il adore cela mais se met à le faire mécaniquement. Il décide alors d’aller voir autre chose dans le monde extérieur, loin des villes humaines. Super bien écrit, très doux et positif dans la manière de raconter les personnages, leurs émotions…

  • Je serai le feu, Diglee : Recueil de poétesses. Diglee est une illustratrice. Elle est également férue de poésie et s’est un jour aperçue qu’elle connaissait très peu de poétesses. Considérant qu’il y avait plus de chances qu’elle ne les connaisse pas car celles-ci sont invisibilisées plutôt qu’il n’en existe pas, elle a décidé de chercher des poétesses, de découvrir leurs œuvres. Elle a publié ce recueil pour en présenter certaines. Chaque poétesse est présentée grâce à une très belle illustration, une biographie sélective rédigée par Diglee (où elle raconte notamment comment elle a découvert cette poétesse, ce qu’elle en pense, etc.), plusieurs poèmes ou extraits de poèmes. La sélection est variée : il s’agit de poétesses françaises ou non, de différentes époques, écrivant dans différents styles (vers libres, prose, vers…). Idéal pour découvrir de la poésie.

  • Les exportés, Sonia Devillers : Livre bouleversant. L’autrice est journaliste à France Inter. Dans cet ouvrage, elle enquête sur sa famille maternelle, originaire de Roumanie. Elle remonte le fil de sa propre histoire familiale en retrouvant plusieurs documents, qui mettent au jour le fait qu’entre 1958 et 1989, un certain nombre de juifs roumains ont été échangés (dont sa famille, ce qui lui permet au passage de découvrir que sa famille maternelle est juive) à d’autres pays contre des armes, de l’argent, du bétail, etc. C’est un livre qui remue mais qui se lit très bien.

  • Sous les figues, Erige Sehiri : Film qui se déroule sur une journée, en Tunisie. On suit les travailleuses et travailleurs dans un verger de figuiers appartenant à un jeune propriétaire. Très bien filmé, on voit comment les figues sont ramassées, et tous les rapports de domination à l’œuvre (patron/salarié, hommes/femmes…). Plein de poésie, très joli film.

    • Revoir Paris, Alice Winocour : Film qui parle du Bataclan du point de vue des victimes. Parle du choc post-traumatique. Très bien, hyper triste mais t’arrive pas à pleurer, certaines scènes sont très jolies.